Au voisinage de l'Aquitaine, le tempérament local, qui était âpre et taciturne, contractait une exubérance, une volubilité toutes gasconnes.
(Pierre Bergounioux. Le premier mot. Gallimard, 2001, p. 39)
(J'écris ces lignes le 4 juillet, elles seront publiées quand je serai, non plus en Gascogne – quoique nous aurons fait un crochet par les Landes – mais dans l'Aude.) Il me semble que ce qui exaspère le plus les gens que j'exaspère, c'est, justement, mon exubérance et ma volubilité – je veux dire : mon exubérance volubile, et ma volubilité exubérante (l'une ne va pas sans l'autre). Défauts, sans doute, ou traits de caractère suffisamment marqués pour qu'ils s'apparentent à des défauts. Or, si je me reconnais volontiers à cette aquitanité du trait, je veux rappeler ici que, si je suis normand pour moitié (du côté paternel), c'est justement de ce côté paternel que provient, me semble-t-il, l'extraversion (et partant, l'aversion des uns ou des autres pour ma volubérance). Le quart ariégeois est taiseux en diable, et je ne (re)tiens rien de ce côté-là. Le quart de sang landais n'a pas grand-chose d'exubérubile pour le recommander, mais la vérité me semble être du côté du terrain, du contexte de l'enfance, d'une forme de droit du sol : j'ai vécu les seize premières années de mon existence dans les Landes. Voilà où j'ai attrapé la parole abondante et la soif du délire.
On découvrait, sans qu'il fût besoin de lever la tête, le velum azuré des beaux jours, les grandes nefs blanches que pousse le vent d'ouest, les émaux de la bise, les vapeurs versicolores et les fusions que le plus âpre des vents tire d'on ne sait quel creuset.
(Pierre Bergounioux. L'Empreinte, p. 8)
.
Nous voici de l'autre côté, en pensée à tout le moins. Des arbalétriers sont à pied d'oeuvre. Mettre le roi en pièces en un clin d'oeil ? Le vieux projet (Eu dans l'eau) refait surface. Et pourtant le désir de Lisbonne me hante.
Tout de même, on est mal barrés ! Revenons à Lyon, si vous le voulez bien, dans les traboules, et dans les bouchons où l'on déguste d'excellentes fricassées, ou les plats qui, de tous ceux que la cuisine française a pu inventer, sont les plus susceptibles de faire peur aux Amerloques. Des ribambelles nées à Babel rebondissent. Le texte alors se compliqua, encore un tour de vis, encore un faisceau supplémentaire, des strates en veux-tu en voilà (Lisie n'a pas dit non), puisque le scripteur se mit en tête, se fit un devoir, d'ajouter aux citations barrées et aux citations non identifiées d'autres citations, des sortes d'autocitations que, faute d'autre police possible dans les "fenêtres de commentaires" de son site de photographies (la source de tout texte, ici), il italicisa. Rome caracole.Comme ce verbe "caracoler" tombe à point nommé. Comme tout se rejoint, comme tout fait sens !
Unissons !
Frissons ! Revenons à Lyon, en gardant notre sang-froid. Confondus avec la foule. Ce qui nous berce nous bannit. Primatiale de tous les saints, frissons du pardon. Avoir visité, jadis, Lyon avec un fervent catholique a dû colorer mon regard. Comme ce verbe "colorer" tombe à pic. Vincent vint sans son yacht. Il s'appelle évidemment.....Tristan.
Comment nommer un texte composite formé de collages et de bribes qui sont-elles mêmes dérivées de textes polymorphes où l'on sent la pratique du centon, l'ekphrasis, la sortie impossible du langage ? Ce n'est pas la bucolique. Ce voyage, du jeudi au mardi matin (tôt, il n'est pas sept heures et je suis levé depuis deux heures déjà), a connu un coup d'arrêt. Un coup d'épée. Et pourtant le désir de Lisbonne me hante. Allez savoir de qui (de quelle contrée?) il s'agit... (D'autres s'interrogent, non sur Zimbazane, en Corrèze (qui vaut mieux qu'une montre en or, mais pas que le Zambèze), mais sur Fonbalquine, qui doit connaître des ressourcements.) Faute d'autre police : il faudrait, lors de la publication finale, en arborescence, un jeu de couleurs. Comme ce mot "couleurs" tombe à merveille. Et du Rhône on ne peut dire qu'il possède l'aura diaphane, si particulière à ces régions. D'ailleurs, quelles régions ? D'ailleurs quelles régions.
Avec tous ces détours, nous n'avons pas vu Lyon.
Y étions-nous ?
Unissons.
D'ailleurs, quelles régions ? (Tu reviendras. La sottise n'est pas mon fort.)
Le substantif nihilité n'apparaît pas du tout dans le Robert culturel, qui a constitué l'un des premiers jalons, historiques en quelque sorte, de ces carnets. La lecture à peine ébauchée des quelques brefs chapitres qui composent La fin du monde en avançant, de Pierre Bergounioux, m'incite à reprendre la rubrique des Mots sans lacune, longtemps interrompue (comme tout le reste, dira-t-on).
La réalité, la seule, c'est celle que nos yeux, en s'ouvrant, ont suscitée parce qu'ils ignoraient la relativité, l'écoulement, l'éclair blanc, déchirant, de la conscience, l'absence et le deuil, le doute, la nihilité, pour parler comme Montaigne, de notre condition. (La fin du monde en avançant, p. 21)
Par ailleurs, comme Bergounioux (dont j'ai découvert, il y a peu, que le très-Orléanais et très éminent linguiste Gabriel Bergounioux, que j'ai un peu côtoyé, est son frère) en revient toujours à ses origines brivoises, je ne peux m'empêcher d'illustrer ce billet à ma façon :. (Brive, avant Turenne, la Fage et Saint-Robert.)
Il y a six ans, je débarquais pour un embarquement.
Je crois me rappeler un mois de juin sec et ensoleillé, aux enthousiasmes farouches.
Depuis quelque temps, ce carnétoile a eu plus de soubresauts que de longs fleuves tranquilles, mais certains chantiers ont la peau tenace et la vie dure: le projet Tavers, le projet Dubuffet, le projet Mines. Il ne faut donc pas renoncer. Plus maintenant. On ne renonce pas après six ans!
(La maison, c’est une litote, n’est pas humide. La troisième lessive, étendue hier soir vers dix heures, a bien séché au salon.)
Nous sommes rentrés hier d’un bref séjour hors Touraine, tout d’abord trois jours dans l’Oise, sur les traces d’un passé de moins en moins récent, puis un jour et demi à Cesson, chez ma sœur. Beauvais n’a pas changé. Pour sacrifier au cliché: la forme d’une ville ne change pas aussi vite que s’y attendrait le cœur du mortel post-moderne. Seules vraies variations: le jardin médiéval de la maladrerie; la grange dîmière réhabilitée, c’est-à-dire massacrée; une enseigne Gibert (avec livres d’occasion comme à la maison-mère) place Jeanne Hachette; le portail sud de la cathédrale ravalé, et d’un blanc étincelant, dans le vent.
Fini The Human Stain, lu Les Onze.
Une semaine commence, et une septième année.
In extremis pour clore le mois d'avril, je note ici, à notre retour du Périgord noir, que la semaine fut passionnante, mais aussi émouvante et déroutante, puisque cette huitaine était comme un palimpseste inexact, ou rapetassé, des deux séjours que nous avions faits en Dordogne, en août 1995 et juillet 1996, sans compter une incursion d'une journée, depuis la Corrèze voisine, en juillet 2006. Comme, pour le peu que j'aie lu, j'étais accompagné par les chapitres du Dépaysement de Jean-Christophe Bailly, on peut dire que les résonances se poursuivaient, là aussi. Ses pages sur la vallée de la Vézère, mais pas seulement elles, justement, retentissaient. Bien sûr, les déclics n'ont cessé, face aux falaises et aux envols réguliers de montgolfières jaunes. Peut-être les ricochets bizarres ont-ils encore de beaux jours, ou plus sûrement de belles années, devant eux.
22 décembre 2010, huit heures et demie.
Levé à 4 h 30, suite de Campo abierto. Très Aragon (c’est le comble – c’est le moins). Me souviens mal de Campo cerrado, qui avait un protagoniste principal, me semble-t-il (et donc très différent dans la construction). Ne sais pas si les volumes suivants ont été traduits / publiés. Je dois écrire ce billet sur Herta Müller. Les enfants dessinent des lettres au feutre humide, dans le lit. Il y a des myriades de photographies retrouvées dans la mallette
( – Papa, tu étais parti?
– Non.
– Mais où tu vas, alors, avec ta valise?)
et que je veux archiver grâce aux fonctions «gros plan» de mon Panasonic. (D’où: faire du vide dans l’ordinateur, aussi.)
Il est allésecouer la nappe, qui était couverte de miettes de Panettone.
Hier soir: Becket de Peter Glenville (1964). Très Royal Shakespeare Company, mais orienté yankee.
Avant de songer à écrire quelques phrases un peu moins superficielles sur le bref roman de László Krasznahorkai, au titre interminable (rose des vents, orientation du monastère japonais), je dois me débarrasser de ceci: la traductrice confond eut et eût; il y a d’autres erreurs de conjugaison qui m’ont agacé contre la traductrice et contre l’éditeur négligent; on ne sait pas du tout, quand on ne connaît aucun autre ouvrage de cet éditeur (Cambourakis), si les marges larges sont du fait de l’auteur ou de son éditeur français.
Onze heures et quart. J’ai bien entamé la note de lecture sur l’un des deux Herta Müller (Atemschaukel). J’ai aussi fait la vaisselle, les courses au bourg, des parties de loto des animaux avec Oméga, rangé du linge. Le soleil ne se lève pas. On nous parle de radoucissement, puis de froid avec soleil. Qu’y comprendre.
21 décembre, quatre heures et quart.
En chauffant, le café a répandu, dans la cuisine, une odeur de lait brûlé – un rejeu du lait débordé de ce midi (la purée, les plaques électriques). Hier, dentiste; aujourd’hui, notaire. Ici, dans cette maison où, si j’avais mis par écrit tous les instants de bonne solitude, toutes les pages imaginées depuis bientôt vingt ans, je serais déjà à la tête d’un excellent roman de deux mille pages (voire plus), ou de dix de deux cents – ce qui est peut-être plus juteux, commercialement parlant –, je surveille le feu, l’alimente du peu de bois qui nous reste, et notamment de longues branches encore vertes ou de bûches noueuses pas assez sèches non plus; toutefois, la cheminée est excellente, vaste, et elle avale tout.
Dès hier, et peut-être même dès avant-hier (après, pourtant, les fatigues du voyage et de la pause habituelle – quatre heures dont le déjeuner – chez mes arrière-grands-parents de Saintes), j’ai senti que la fatigue m’avait quitté. Comment est-il possible de sentir la fatigue s’en aller? On la sent venir, s’installer. Mais, quand elle passe, c’est souvent à la faveur de moments de repos qui passent inaperçus, le sommeil tout particulièrement, bien sûr. Enfin, j’ai déjà senti, dès le début de ces vacances, que la fatigue (ou était-ce la tension?) me quittait.
Quelques constantes: le café n’est jamais bon ici, même en changeant sans cesse de cafetière, même à l’eau minérale (et quelle que soit l’eau minérale); il n’y a pas de lave-vaisselle (sinon moi) et pas de connexion Internet (et, du coup, les ordinateurs restent souvent endormis, voire au fond de leurs mallettes); les journées de beau temps doux (hier: dentiste) et de longue pluie ininterrompue sans l’once d’une éclaircie (aujourd’hui: notaire) se succèdent, alternent.
Je ne suis allé ni chez la dentiste, ni chez le notaire.
Disques écoutés: Jackie McLean, Brad Mehldau (Art of the Trio, 1), Robert Wyatt (Old Rottenhat), Captain Beefheart (les 4 faces de Trout Mask Replica – il y a des choses superbes, et puis des braillements vraiment insupportables). Renaud, Jean-Louis Murat (de l’ambiance?).
Livres lus: terminé le Jirgl, lu le Krasznahorkai (me suis promis de ne pas me lever pour vérifier l’orthographe, au diable!), commencé Armance. Go Down, Moses, interrompu depuis au moins trois semaines, attend sur un accoudoir.
Film vu: Le Cheikh blanc de Fellini. Tout est déjà là, rien n’est en place. (Curieux d’écrire cela, car l’art de Fellini est un art du déplacement, de l’hors-place (hors cadre?).)
Je dois absolument écrire un billet sur Herta Müller (me dis cela depuis le 1er lu, à Toussaint, qui est le dernier paru). Plus j’attends (et j’ajoute des lectures), plus cela devient impossible, bien sûr. La parenthèse après Müller est d’une syntaxe particulièrement tordue, ou audacieuse. Art de la syllepse, ou plongée dans les solécismes?
A un moment précis, face au feu, je commence la lecture de Campo abierto.
La grand-mère paternelle de C. est morte dans la nuit de dimanche à lundi. In memoriam.
7 décembre 2010.Il ne lisait ni Sols, ni Cape Cod, ni Capitaines courageux. Il ne m'a pas répondu d'une moue dubitative, ni avec un ton mitigé, ni en pleurant à chaudes larmes. (Elle s'écrit, je m'écrie.) Ce n'était pas rue Cardan, ni boulevard Bourdon, ni à Montrouge. Ce n'était pas en avril (the cruellest month) ni en juin ni en septembre. Il n'était question ni de gaspillage ni de déchets ni de perdre son temps : à quoi, d'ailleurs ? à quoi bon ? Il pleuvait à torrent, et dans les Landes aussi, mais dans un air plus doux. Les heures passent. Il donne à Phobos l'éclair, et à Domos la foudre pour épouvanter Typhée. Etait-il de bonne foi, sa moue non dubitative (mais quoi ? agacée ? non, pas même), son ton pas mitigé (perplexe, peut-être), ses larmes pas chaudes (ses yeux secs) ? Pourquoi photographier toujours les plaques portant les noms de rues, boulevard Bourdon écrasé par la chaleur ? Jacob fait un blocage, son Panasonic se bloque. Ce n'était pas dans la rue Traversière, où les heures s'égrènent plus lentement. Une éponge à nettoyer les calamars, je vous jure ! (D'ailleurs, squid n'est-il pas invariable ?)
Il donne à Phobos l'éclair, et à Domos la foudre pour épouvanter Typhée. Et Denys qui fit construire une prison en forme d'oreille ! En forme d'oreille, je vous jure ! (Si vous le dites.)
J'ai rencontré Loïc Rothman le 3 mars 2006, à l'issue d'un colloque en Sorbonne. Ce n'était pas à Paris, ni à Rouen, sinon comment trouver une aiguille dans une botte de foin, et le Relais de la Poste ------ à Versols, peut-être ? Lukasz Zyta laisse jouer Jaromir Honzak. Faute de calamar, ils se servaient d'un crapaud-buffle, ou de petites grenouilles ligotées ensemble, en guise d'appât. Michal Tokaj prend le relais. Les heures passent, plus lentement dans la rue Traversière, au rythme galeté de la Sorgues. Ce n'était pas à Paris ni à Rouen. So far I'm sure. Ce n'était ni en avril (le mois le plus rude, le plus amer) ni en juin, ni en septembre; Ce n'était pas dans un roman de Laurent Cohen, ni dans Le sourire d'Achille. (Volent les corneilles.) Lukasz Zyta accompagne Piotr Baron et Christian Rover. Faute de calamar, ils prenaient comme appât un crapaud-buffle.
Flûte !!! De la chair pour vos vers ! Od šesti let navštěvoval hodiny piana a ve čtrnácti začal hrát na kontrabas. Si vous le dites. Si vous le dites. Ce n'était pas à... Si vous le dites. Ce n'était pas en avril. Si vous (le mois le plus barbare) le dites... Jacob fait un blocage invariable rue Traversière. Si vous le dites. Les heures passent, en avril comme en juin comme en septembre. Après vérification, c'est la grammaire de Le Prieux qui est exagérément normative ; l'OED est plus cool. Les heures passent, au fil du rasoir. Si vous le dites.
Quatre mois seront passés. Lorca le sait. Lukasz Zyta lui souffle. While Baranski and drummer Lukasz Zyta play a sprightly romp, Maupin coaxes wistful phrases from his soprano. Ce n'est pas ce disque, mais Present Past. Quatre mois auront passé. Si vous le dites. Si vous le dites. Chaleur, canicule, temps de chien sur le boulevard Baron. Les heures passent, se muant en mois (quatre) puis ans (cinq). Il m'est aussi impossible d'être sérieux. Quelle chaleur ! (Ce n'était ni un sergent ni un amiral. Il ne faisait ni le poirier ni la roue.) Quelle chaleur ! Si vous le dites : quelle chaleur ! Et le Relais de la Poste, une aiguille dans une botte de foin, une alouette rôtie dans le bec (ce n'était pas rue Carvès, à Montrouge ( le lieu le plus amer ?)), une moue claire comme de l'eau de roche (pas dubitative). If : si vous le dites.
La prochaine étape passe par Hermilix. Passent les heures. J'ai rencontré Loïc Rothman le 3 mars 2006, à l'issue d'un colloque en Sorbonne. Si vous le dites.
Ce mardi-là à Canberra, parcourant à pas comptés (et la tête échauffée, solitaire et attentif) les salles de la National Gallery of Australia consacrées à l'exposition Emerging Elders, pouvais-je, en contemplant, me rappeler ce texte de Daudet étudié dans un de mes cours de traductologiedeux ou trois ans auparavant, et dans lequel l'expression "salons en enfilade" peut donner lieu à de subtils développements sur les métaphores figées, les changements d'image d'une langue à une autre, ainsi que sur les doubles sens involontaires (anachroniques), d'autant que, la sueur perlant à mon front, peut-être, après une promenade dans le jardin des sculptures, je n'avais pas encore lu (ni même acheté : c'était place de Strasbourg le 29 août 2010) le bref et assez vain (quoique (ou parce que) habile) roman de Christophe Claro dans lequel, à la page 74, l'Esprit de la cave prend son envol ?
Parfois, il arrive qu'ils me croisent. Le noir leur tombe dessus comme un rat d'une canalisation haut perchée - un bruit mat et lourd, puis plus rien, même pas le grattement des pattes, juste son poids, sa trompeuse chaleur -- et alors, ALORS, ils me sentent. Ils sentent l'Esprit de la cave. des peurs d'enfance leur griffent l'entrecuisse, une toux sèche leur noue le thorax, un invisible pic à glace leur taquine l'échine.
Ni vigile d'une vulgaire Lascaux, ni tour-operator de je ne sais quelle catacombe, j'halète et grince et sue, tenu à de solitaires inspections, à de très chiantes circonvolutions dans cet univers de cadenas et de minuteries.
Ne trouve-t-on pas, dans le nom même de Lena Nyadbi, l'image même du tissage...
... et, dans les cônes de Bert Flugelman, une rencontre quasi incestueuse avec l'Esprit de la mêmoire ?
Ces derniers jours, j'ai lu plusieurs livres, ou achevé la lecture de plusieurs livres qui avaient été "entamés" simultanément. Dans l'un de ces livres, une famille de quatre enfants devenus brusquement orphelins de père, puis de mère, enterre cette dernière sous une chape de ciment, dans la cave de leur maison. Dans un autre, le ciment tient un rôle important, au point de donner son titre à l'un des premiers chapitres ; dans l'un des courts chapitres décrivant la vie, et surtout la survivance et la mort, dans le camp de concentration soviétique qui est le "décor" (mot inapproprié : le cadre ? pas mieux) du roman, une prisonnière est ensevelie sous un flot de mortier.
Suicide ou accident ?
Le ciment n'est pas si souvent motif central d'un texte littéraire. Il donne son titre au roman d'Ian McEwan, The Cement Garden. Il donne son titre - ainsi que je l'ai dit - à l'un des chapitres du roman de Herta Müller, Atemschaukel. Côté français, je ne vois que le roman de François Bon, Décor ciment, et la chanson de Matthieu Boogaerts. (Moins sinistre.)
They travelled by bus and train, westwards through Provence, through flash floods and electrical storms. In Arles they met a French government official who drove them to Lodève in Languedoc. He told them that if they presented themselves at his hôtel in a week's time he would take them on with him to Bordeaux. The skies had cleared, they were not due in England for another two weeks and so they set off on a short walking tour.
This is the region where the causses, high limestone plateaux, rise a thousand feet above the coastal plain. In places the cliffs drop spectacularly hundreds of feet. Lodève stands at the foot of one of the passes, then a narrow country road, now the busy RN 9. It is still a fine ascent, though with such traffic, hardly pleasant on foot. In those days you could pass a tranquil day climbing steadily between towering formations of rock, until you could see the Mediterranean shining behind you, thirty miles to the south. The Tremaines spent the night at the small town of Le Caylar where they bought broad-brimmed shepherds' hats. The next morning they left the road and headed off north east across the Causse de Larzac, carrying two litres of water each.
These are some of the emptiest spaces in France. There are fewer people here now than there were a hundred years ago. Dusty tracks, unmarked on the best of maps, wind across expanses of heather, gorse and box. Deserted farms and hamlets sit in hollows of surprising greenness where small pastures are divided by ancient dry-stone walls and the paths between them, flanked by tall blackberry bushes, wild roses and oaks, have an English intimacy. But these soon give way to the emptiness again.
Towards the end of the day the Tremaines came across the Dolmen de la Prunarède, a prehistoric burial chamber. Then, only several yards further on, they found themselves standing above a deep gorge carved through the rock by the river Vis.
(Ian McEwan. Black Dogs, 1992. Vintage, pp. 138-9)
Vendredi 9. Incapable de conduire le trajet entier – en fait, C. a conduit tout du long, sauf autour de Bordeaux (j’aurais pu m’endormir près de Moustey).
[Ferré et Thiéfaine sont les deux chanteurs que je connais qui parlent du Chambertin.]
Arrivée à Hagetmau, divers rangements, ménage etc.
Samedi 10. La Ceinture de jade d’Anatoli Kim. Jackie McLean. Déjeuner sous les arbres.
6 h du soir, course d’Audignon (Deyris) aux arènes de St Sever, aux 9/10 vides (avec Richard). Marty vainqueur, belle prestation du local Plassin, frères Vergonzeanne décidément en déclin. Courtiade use du coudrier sur le cuir des dames. Lalanne pas veinard sur la sans corde. Du beau linge dans le callejon, dont la Zahia des coursayres (Mme Vincent Muiras, il semble). Pointeur débutant archinul, maintes broncas vers la pitrangle.
Soir, petite finale.
Dimanche 11, anniversaire d’A. 10 à table, parents, grands-parents, Mamie J. et V.
Matin, ballons et tronçonneuse. Midi, sangria infecte mais le reste impeccable. Cadeaux en nombre pour A., «yes!» à chaque coup! Discussions post-prandiales et vaisselle.
5 h, course de St-Cricq (Dargelos), très moyenne (euphémisme), arènes mi-pleines. Bien placés, presque pas au soleil. Même pointeur gamin nul que la veille, en progrès sauf au moment de la comptabilisation finale individuelle (Lapoudge, 19 écarts globalement convenables, totalement oublié, même derrière Dumecq). Lendresse vainqueur. Frères Deyris suprêmes, surtout J.-F. muselant la sans corde après tumade sur Dumecq. Un tourniquet parfait de Lapoudge, capturé sur vidéo.
Soir, finale lamentable à la télé avec bocadillos et victoire de l’Espagne aux forceps.
Lundi 12. Mrs Dalloway, en bribes, juste le premier tiers (du moins à 6 h 30 du soir, heure à laquelle j’écris ces bribes elles-mêmes). Boogaerts. Pas de course, mais Défis & Champions en DVD à la télé en guise de quatre-heures, avant bonne promenade au Louts. [Crapaud mort gonflé de vermine en plein soleil au milieu du boulodrome. O. n’a pas compris, A. dégoûté.]
Matin, achat de déshumidificateurs car la moisissure a gagné trop de terrain.
«Quelques enduits et je termine.»
Mardi 13. Sur la vieille bécane, toujours (combiné du clavier Fujitsu de 2002 et de l’écran Philips de 2000). Continue Mrs Dalloway. Passage de voitures en trombe sur la route de Monségur. Ratatouille. Saturnin, pour O. (au-delà du ridicule). Acheté le guide vert du Languedoc-Roussillon chez Caldéra. Signe le plus évident, pour moi, de «la grande déculturation», la disparition de guides détaillés, et en particulier des Guides bleus. Regret de ne pas en avoir acheté une pleine fournée quand la collection existait encore, ou de n’en trouver qu’usés, jaunis ou cornés chez les bouquinistes ou les antiquaires.
Furieux de voir le grand cercle où«ils» avaient fait brûler des feuilles et des branches ne pas se remettre de son état calciné – toujours grand pourfendeur in petto (et à haute voix) de l’écobuage. Pas de course aujourd’hui, j’écris ces lignes à onze heures moins dix.
Mrs Dalloway, de Peter Walsh avant midi au dîner de Peter Walsh (‘Bartlett pears’).
Hélicoptères en permanence (avant le 14 juillet?). Que de remue-ménage aujourd’hui.
Premières idées pour le cours de M1. Different from (/ to, than) → les constructions prépositionnelles après les adjectifs. Autres constructions en from. Utilisations de from dans les textes théoriques (philosophie, littérature, histoire). [Oui, tout juillet dans un seul document.]
7e compagnie, le soir, pour A. – plié de rire à plusieurs endroits. Moins nanard que dans mon lointain souvenir. On a dû pouvoir dire ou écrire, à l’époque, que ça réinventait complètement le comique troupier. Au lit, commencé Underworld, pas longtemps. [La barre d’espace, peu réactive, me fait des blagues, composant des agglutinés.]
Mercredi 14. [Neuf heures et demie.] Poursuivi quelques pages d’Underworld, je ne comprends rien aux règles du baseball donc une partir du tour de force stylistique m’échappe. Cela sent un peu le tour de force, dès le départ. À suivre… Vais lire les 25 pages restantes de Mrs Dalloway.
Désintoxication de café presque totale (juste une petite tasse milieu de matinée). Pas de thé, du tout.
Max Roach & Clifford Brown.
Au lever on a cru au beau, et puis: vent, soleil par intermittences – ça peut donner tout et son contraire.
Après-midi et soirée: Concours de la Corne d’Or à Nogaro. Foule. Belles vaches, sorties festival des sauteurs distrayantes (dont un tout à fait inédit et épatant triple saut périlleux avant et sur la vache par Louis Ansolabéhère), et triomphe de Thomas Marty, tenant du titre et auteur d’un intérieur absolument époustouflant. Le garçon devient meilleur chaque année. Côté trophées, triplé et carton plein de l’Armagnacaise: Barrouillet cordier d’argent ému aux larmes, Ibañeza indétrônable et Baronne vache de l’avenir.
D’où vient la passion et surenchère de Virginia Woolf pour les points-virgule?
Plus d’hélicos (c’était donc ça).
Jeudi 15. Record de la coiffeuse la plus abrutie & la plus inculte pulvérisé. (Jocelyne, dite «Joss», à Hagetmau.) Avouez que la concurrence est rude…
Continué d’ébrancher des gaules – activité essentielle de ce début d’été – au point de devoir manier le sécateur de la main gauche (triple ampoule à l’index de la main droite (mon père avait raison:«mets des gants de jardinage, Guillaume!»)).
Pas d’Underworld.
Bassine de 6 kilos de prunes quasi achevée (en 4 jours). Pas besoin de faire des confitures, une famille de quatre estivants suffit amplement à la Cause.
Underworld, 100-122.
I've never heard anything like it—at least, not since theBilbo days.
I combat challenge of this lattenbilbo. Word of denial in thy labras here!
Je ressentis, de cette circonstance, une joie d'autant plus vive que je croyais, pour le moment, notre sympathique navigateur en rade deBilbao.
Here'sBilbo, then, shall bar you; atoms are not so small, as I will slice the slave.
I was knocked senseless in the fight, after I had put mybilbo through your comely brother.
Des travaux partout à Tours, et ce n'est même pas le tramway !
La Yarra, ce n'était pas grand chose. Mais le Jardin botanique, oui. Sourires jamais figés, cela aussi compte. Déjà un mois, pourtant, que, même pas las d'excavations dans la mémoire la moins superficielle, et gardant le silence parce que tout doit être raconté, je suis rentré, à peine fatigué (et donc nullement fourbu), de Melbourne.
Portal/Kent/Cinelu /// 04 Pigmee.wma /// Pigmee, Pygmées
Pygmées (ou pas), nos âmes (dont Giono, dans Le Poids du ciel, se soucie et s'exalte) peuvent même élever le didgeridoo à des hauteurs insoupçonnées.
(Hauteurs insoupçonnées : voilà le type même du cliché, de la collocation employée comme cliché-pirouette. Tout un texte s'écrit dans le désir d'éviter les clichés, et pour une dernière surprise bien fade, recourt justement à un cliché - comme explicit.)
D'emblée, ce carnétoile s'habilla de vert.
Il n'est pas question de renier cela. Même avoir vu une chèvre pie faire de la varappe sur une paroi quasi verticale du château du Plessis-Macé ne me fera pas changer d'avis : il n'est jamais temps de lancer adieu verdure.
Au château de Serrant, un des joyaux de l'Anjou pourtant, l'imbécile surfeur qui tenait lieu de guide n'a pas été foutu de faire comprendre un peu clairement ni l'histoire architecturale du site, ni les raisons pour lesquelles telle famille avait succédé à telle autre. De dates, même vagues, dans un tel historique, il pouvait encore moins être question. À un moment, il n'a pas été loin de mélanger l'époque Henri-II et le Second Empire.
Délires de cochonnaille à Champtocé.
Délires casqués au Plessis-Macé.
Délires verbaux dans la Toyota.
Bon, nous avons connu de pires dimanches !
. . . . Voiture doublement en panne : autant dire, des liasses et des liasses de billets dans le caniveau. Le séjour, toutefois, continue (et je continue de n'écrire pour personne).
Hier matin, outre l'achat d'un panachage de textes contemporains traduits de langues diverses pour ma mère à "Brouillon de culture" (quel nom de librairie, et quelle piètre librairie d'ailleurs*), j'ai acheté plusieurs livres de poésie dans une merveilleuse librairie d'occasion, près de la place Saint-Sauveur -- notamment L'Âge de craie de Pieyre de Mandiargues, en NRF-Poésie : j'en ai beaucoup lu hier, et je me demande si ça ne me plaît pas plus encore que ses textes plus tardifs (Porte dévergondée par exemple). Du point de vue des proses poétiques, en voici un qui, comme Gracq, a subi l'influence de Rimbaud et Breton, mais s'en est affranchi de manière beaucoup plus joueuse, et tout simplement moins ennuyeuse (sujets et rythmes). Bon, je n'ai jamais été très adepte de Liberté grande, mais tout de même, je crois ne pas écrire n'importe quoi, pour le coup. C. a acheté une anthologie de poésie espagnole contemporaine, et, rien qu'à la feuilleter, il me prend des frénésies de découvertes, des boulimies d'achats, des regrets de ne pas connaître l'espagnol.
Sinon, cela fait plus de deux jours que j'ai fini de lire Le Miroir qui revient et que je voudrais, sans l'avoir fait encore, noter dans ces carnets quelques passages marquants. Au reste, voilà quelque chose que je songe souvent à faire et ne fais presque jamais. Velléité**, tel est mon maître mot. On pourra inscrire sur ma tombe le distique fameux (ou est-ce fumeux ?) :
Lui qui fut si velléitaire
Désormais va devoir*** se taire.
Pour me faire mentir, autant que me secouer la couenne, je copie ci-après, tout de même, un passage du Miroir qui revient (p. 208) :
Tout cela c'est du réel, c'est-à-dire du fragmentaire, du fuyant, de l'inutile, si accidentel même et si particulier que tout événement y apparaît à chaque instant comme gratuit, et toute existence en fin de compte comme privée de la moindre signification unificatrice. L'avènement du roman moderne est précisément lié à cette découverte : le réel est discontinu, formé d'éléments juxtaposés sans raison dont chacun est unique, d'autant plus difficiles à saisir qu'ils surgissent de façon sans cesse imprévue, hors de propos, aléatoire.
* Sujet de composition philosophique : comment un libraire qui appartient à un réseau de librairies dites "de qualité" peut-il afficher des posters vantant Anne Gavalda ?
** Une prime coquille donnait à lire : "Veilléité". Le veilleur velléitaire, voilà qui m'irait assez bien (avec la pointe de grandiloquence auto-ironique que les sots ne comprendraient pas ?).
*** (Ou est-ce "pouvoir" ?)
L'an 2000 appartient au présent.
--------------------------------¤¤¤-------------------------------
Dans le salon de la maison caennaise, attablé assez inconfortablement à une grande table qui sert de bureau et où sont empilés en vrac documents, papiers et ouvrages divers (dont une demi-douzaine de catalogues raisonnés qui me font sérieusement de l'oeil), je pianote, tandis que la sieste des uns suit son cours, et les élucubrations fantasmatiques de tel autre.
(Longtemps, j'ai aimé les hyperbates : Il est mort, et ma mère.)
Je n'ai plus de lecteurs, donc je n'ai plus à me contraindre, à me sentir forcé de rien. Un faible rayon de soleil perçant la froidure, je lézarde en hibernation normande, et me laisse aller. Sur ma gauche, il y a trois livres : deux que je lis en ce moment (Le miroir qui revient et La fille qui hurle sur l'affiche), et un dont je n'ai toujours pas découpé les pages : Canisy de Jean Follain.
(Longtemps, j'ai hésité à accumuler plusieurs séries de deux-points dans une seule et même phrase. Longtemps, je n'ai pas su que couper les pages d'un livre se disait "découronner". Je n'ai plus de lecteurs, à quoi bon me forcer.)
Propositions relatives ! Mais tout est relatif, surtout les craquements de l'escalier, l'encombrement de l'évier, le noisetier quasi centenaire qui fait se disjoindre les briques de la murette. Tout relaie, tout dilue. Tout se dilate, les yeux défalqués en flaques quand on pleure pour rien (pour ne rien dire). Caen est une ville attachante, mais mes maigres souvenirs de l'été 1983 (peut-être) ne m'y avaient-ils pas soudé ? Faut-il être soiffard, tout de même... Toi, là-bas, tu rigoles. (Eden, Hadès, même combat.)
Souhaiter que la sieste d'Oméga dure. Qu'Alpha en marchant élucubre.
(Longtemps, j'ai aimé les rimes internes.)
((Les assonances.))
------------------------------------¤¤¤------------------------------------
Le jeu n'en vaut plus la chandelle, l'an 2000 est encore loin.
Dans le noir, Alpha et moi suivions l'actuel propriétaire, en marchant dans de vraies flaques de purée de nèfles. Sous la pluie, nous relevâmes les compteurs, avant passage devant notaire mardi soir. M. C*** se perd ensuite dans les détails -- placards, clefs, néons neufs, trappes d'accès...
Demain, il faut rendre l'exemplaire des Poésies de George Meredith, et Le Rouet des brumes. Manqué de temps, comme à l'accoutumée. Je me demande tout de même s'il ne faudrait pas que je relise Bruges-la-Morte, que j'avais tant admiré en 1994 ; les nouvelles du Rouet m'ont paru, à quelques passages près, de bien fades petites choses. Récemment, C. essayait de lire Le Livre des fuites, dont je lui avais dit qu'à quatorze ans il m'avait ébloui. Comme, depuis, Le Clézio m'est devenu insupportable, j'avais de nouveau emprunté ce Livre des fuites, auquel je n'ai même pas eu le temps de jeter un oeil, afin de voir si c'était un amour de jeunesse ou une pierre égarée dans l'oeuvre. Some other time...
Alban m'a parlé de Touraine sereine. Non, je ne tiens plus de blog, plus aucun d'ailleurs. L'Horloger de Tavernier : vu il y a longtemps, aucun souvenir, mais Alban en parle avec tant de passion... Les traboules dans la nuit et l'air glacé, d'excellents gras doubles à la lyonnaise ("a munching in a cork"), et une soirée vraiment inoubliable - index et majeur pile où il faut.
Le colloque, faut-il le dire, m'a plutôt relancé, un paradoxe en ces temps de désastre.
Longs trajets en train, sans ordinateur; la neige dans le Morvan, et la gare rose de Chauffailles ;au retour, j'ai lu presque intégralement Muttersprache de Josef Winkler dans la traduction de mon collègue Bernard Banoun. La verdure se vêt toujours de jaune.
Dimanche aussi, E. m'écrit qu'il a pleuré deux fois en écoutant le Fidelio de Jonas Kauffmann.
Terminée la noce. La verdure en lointaines lézardes s'épanche. Tombereaux de pluie. Brisants de marbre, des statues descendues nues de leur piédestal. Hier, il régnait un soleil puissant, une douce chaleur. Lire aux terrasses. D'où viennent ces rêves complexes, surpeuplés d'avatars et de dédoublements, qui me laissent émietté au réveil ?
Les carnets n'ont plus de sens ; un compendium laborieux a vu le jour.
Terminée la noce.
Trois jours sans écrire, je pense. Non, ce ne sont pas les belles phrases de Sankt-Petri-Schnee, dont la lecture est terminée depuis ce matin (six heures et demie), ni les mémoires de Soyinka – oh, le portrait vitriolé des époux Mitterrand! – qui me poussent à reprendre le fil de ces billets, mais l’odeur des fleurs de mimosa. Février, fleurs de mimosa: l’odeur des pâques, l’odeur des premières journées d’avant-printemps, l’odeur du soleil en boules fleurs, l’odeur minutieuse des fibrilles jaunes que l’on peut contempler des heures durant, l’odeur landaise par excellence, l’odeur d’avant-printemps, février au mimosa. C’est l’odeur des fleurs de mimosa qui me ramène vers l’écriture, cette odeur landaise insurrectionnelle du printemps qui se rebelle pour rire contre un hiver jamais vif – à peine des nuits à moins deux ou moins trois, mais les boules jaunes du mimosa en rigolent tout le jour, tout le midi, tout le mitan du soir, février fiévreux au mimosa qui embaume.
En ramenant ce février fiévreux jaune mimosa à l’écriture, ce sont aussi des souvenirs de lecture qui émergent, évidemment la série de poèmes que Ponge a consacrée au mimosa: ne s’y trouve-t-il pas l’adjectif floribonds? (La bibliothèque, comme la mémoire, fait défaut.)
Gestuelles sobres et dansantes des fleurs de mimosa qu’alanguit la brise: souples, liés, ces mouvements entièrement silencieux comme sur la scène d’un cabaret. Pas même une mouche n’ose effleurer le jeté subtil des artistes, les fleurs de mimosa. Alors, sur le visage des spectateurs se lit l’euphorie que procure, face à de tels chatoiements, un art consommé semblable à la danse des marionnettes de chair, et dont aucun trait encore n’a jailli d’un hiver de pacotille (l’odeur d’avant-printemps, février au mimosa).
[ 17 février ]
10:10 Publié dans Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poésie, littérature